Cette formation est composée de 7 chapitres chacun divisés en 3 parties : enjeux, vidéos, et recommandations.
1
Pleur
Je reproduis le comportement de celui que j'interprète ?
Parenthèse gauche 2 Parenthèse droite
Convergence
Durée :
15 min
Enjeux
Dans les consultations, la présence de l’interprète peut parfois être problématique pour le soignant, que ce soit par peur d’un manque de savoir-faire, par méfiance ou par simple méconnaissance de l’interprétariat dans le domaine sanitaire. D'autres fois, au contraire, les échanges à trois sont fluides et permettent une bonne compréhension mutuelle. On peut observer dans ces cas des phénomènes de convergence.
Videos
×
Analyse interprète
Analyse soignante
Transcription
Analyse interprète :

Lorsqu’elle traduit le « comment ça va ? » de la psychologue, l’interprète incline légèrement la tête et produit son énoncé avec une voix extrêmement basse. Cette traduction présente la particularité d’avoir les mêmes caractéristiques que l’énoncé produit par le soignant, tant sur le plan multimodal (inclinaison de la tête) que prosodique (voix basse et détimbrée). Si d’un point de vue linguistique, la traduction des énoncés de ce type (salutations) ne paraît pas indispensable en raison de leur récurrence (et de la connaissance qu'en a probablement le patient), elle est en revanche importante sur le plan séquentiel. En effet, elle permet non seulement de marquer le début de la consultation, mais également de structurer le positionnement respectif des participants en montrant une forte affiliation entre la psychologue et l’interprète.

Analyse soignante :

Avant de poser la question « comment allez-vous ? », la psychologue laisse un très long silence, puis elle incline la tête et oriente nettement son regard vers le patient. Par ailleurs, sa question est produite de façon particulière, avec une voix très basse et totalement détimbrée. Par cette action, la psychologue enclenche littéralement l’entretien.

Transcription :
patient
de nada
de rien
interprète
de rien
(silence)
psychologue
comment allez-vous ?...
interprète
como é que vocé esta ?
comment est-ce que tu vas ?
patient
anh ehm o mesmo
anh ehm pareil
×
Analyse soignante
Analyse interprète
Analyse patient
Transcription
Analyse soignante :

Au début de la séquence, la psychologue questionne le patient avec un débit assez lent, qui semble refléter une réflexion en cours d’élaboration. Par ailleurs, lorsque l’interprète traduit les paroles du patient en ce qui concerne l’utilisation du mot « espoir »,  un sourire anime le visage de la psychologue qui opine ensuite la tête de manière visible. Par cette action, elle manifeste visuellement qu’elle se réjouit de cette information et semble ainsi montrer son empathie envers le patient.

Analyse interprète :
Lors de la traduction de la question de la psychologue, l’interprète reproduit un certain nombre des caractéristiques vocales et intonatives de l’énoncé original. En effet, comme la psychologue, elle effectue une pause avant de produire l’élément central de l’énoncé (« palavras de hoje…. é como se ») et sa parole est également réalisée avec un débit très lent, des allongements sur certaines syllabes (par exemple sur « como se ») et des mots produits plus lentement (« perdida »). Cette similarité se retrouve aussi dans le comportement corporel de l’interprète qui semble imiter celui de la psychologue (inclinaison de la tête, orientation du tronc, sourire). Ce phénomène d’adaptation du comportement de l’interprète à celui de la psychologue – ou convergence – semble contribuer à une interaction fluide sur le plan des enchainements et des prises de parole et montre par ailleurs l’empathie partagée par les deux participantes institutionnelles envers le patient.
Analyse patient :

Le patient répond de façon indirecte à la question de la psychologue à propos de l'espoir, en évoquant un dicton. La forme de sa réponse conduit l'interprète à lui demander confirmation de sa compréhension avant de traduire (ouverture d'un échange dyadique).

Transcription :
psychologue
ce que j'entends en tout cas là c'est comme si euh (silence) c'est comme si l'espoir était perdu
(silence)
interprète
o que ela esta a ouvir nas tuas palavras de hoje (silence) é como se a esperança estava perdida
ce qu'elle est en train d'entendre de tes mots aujourd'hui c'est comme si l'espoir était perdu
patient
o- o que eu saiba que... do que dizem que esperança é ultima coisa a mor- a morrer
ce- ce que je sais de ce qu’on dit que l’espoir est la dernière chose à mou- à mourir
interprète
hm hm
(silence)
patient
e é uma coisa que eu sempre tenho também na minha mente
et c’est une chose que j’ai toujours dans mon esprit
interprète
tens esperança ?
tu as de l’espoir ?
patient
sim porque..
oui parce que...
interprète
ce que je sais... c’est que l’espoir est la dernière chose que l’on perd avant de mourir (l'interprète regarde la psychologue)
psychologue
hm hm
interprète
mais moi j'ai toujours l'espoir (l'interprète regarde la psychologue)
psychologue
hm
(silence)
interprète
então tens sempre esperança
alors tu as toujours de l’espoir
patient
tenho porque até a pessoa que me deu uma ajuda a morar também tens a repetir essa palavra pra mim
j’en ai parce que même la personne qui m’a donné une aide à m'héberger elle répète aussi ce mot pour moi
interprète
hm
patient
e é que faz com que eu ir sempre a frente
et c’est ce qui fait que je vais toujours de l’avant
interprète
hm
patient
não desisto
je ne désiste pas
interprète
j’ai encore l’espoir... la personne qui m’héberge a utilisé aussi ce mot d'espoir... et je l’ai encore... je l'ai encore en moi
Recommandations
Lorsqu’il effectue sa traduction, l’interprète peut adapter son discours et son comportement corporel en fonction des caractéristiques vocales (intonation, pause, ralentissement…) et non-verbales (posture, regard, sourire…) de l’énoncé du soignant. Cet alignement entre l’interprète et le soignant peut, d’une part, aider à structurer le positionnement respectif de chacun des participants (institutionnel, patient) et contribuer ainsi à rassurer le patient pour qui il est nécessaire de construire une relation de confiance avec ses interlocuteurs, en particulier dans le cas de suivis en santé mentale. D’autre part, cette « convergence interactionnelle » contribue à rendre les interactions plus fluides, permettant à chacun des participants de trouver sa place dans l’échange.
Parenthèse gauche 3 Parenthèse droite
Démarches administratives en ligne
Durée :
20 min
Pleur
J'essaie de faire les démarches en ligne sans négliger l'usager
2
Enjeux
Les personnes migrantes primo-arrivantes doivent effectuer de nombreuses démarches administratives pour faire valoir leurs droits, notamment dans le cadre de la demande d’asile. Le développement de la dématérialisation des procédures, la complexité propre aux démarches à réaliser, les difficultés liées à la maitrise le français et au langage administratif, l’absence d’ordinateur et/ ou d’accès à internet impliquent souvent une demande d’assistance. Dans ce contexte, les assistants sociaux viennent en aide aux usagers en les accompagnant dans leurs démarches. Celles-ci font souvent intervenir différentes activités et ressources (internet, téléphone, documents papiers…). Comment les intervenants sociaux ou en santé s’organisent-ils pour gérer ces différentes activités tout en continuant à assurer les conversations avec les usagers ?
Videos
×
Analyse soignante
Analyse patient
Transcription
Analyse soignante :
Au début de la démarche, l’assistante sociale tourne l’écran vers les usagers et utilise le pronom « on » pour les inclure dans l'activité de recherche sur internet qu'elle est en train de faire. Puis elle suspend momentanément cette activité pour mimer le syntagme « permis de conduire » (mouvement de tourner le volant) et pour s’assurer de la compréhension des usagers. Par ailleurs, lorsqu’elle réalise sa recherche sur l’ordinateur, elle pointe l’écran vers la partie du texte concernée par la requête, la lit à voix basse et s'exclame (« ah ») lorsqu’elle repère une information pertinente. Dès lors, elle se tourne à nouveau vers les usagers et leur explique la démarche à effectuer. Par ces différentes actions, l’assistante sociale alterne de manière dynamique des phases collaboratives, au cours desquelles elle inclut les usagers, et d’autres phases individuelles, pendant lesquelles elle effectue les démarches en autonomie.
Analyse patient :
Lorsque l’assistante sociale tourne l’ordinateur en direction de l’usager, celui-ci modifie son positionnement corporel en se penchant en avant et en regardant en direction de l’écran. La modification d’orientation de l’ordinateur semble ainsi solliciter l’intégration du patient dans la démarche administrative en cours de réalisation.
Transcription :
ASS SOCIAL
I know I know
je sais je sais
(l'assistante sociale tourne l’écran vers l'usager)
USAGER
yes it’s why
oui c'est pourquoi
(l'usager se penche en avant et regarde l’écran)
ASS SOCIAL
alors... on va prendre...
USAGER
un rendez-vous hein
ASS SOCIAL
non un permis de conduire... permis de conduire...
okay... the name is permis de conduire
okay... le nom est permis de conduire
(l'assistante sociale se tourne vers l'usager et mime un volant)
USAGER
yes
oui
ASS SOCIAL
permis de conduire okay ?
(l'assistante sociale se tourne vers l’écran)
USAGER
yes
oui
(silence)
USAGER
it’s my card bosnian
c'est ma carte bosniaque
ASS SOCIAL
hm hm
(silence)
ASS SOCIAL
I read hein conversa- conversion d’un permis pour
raison professionnelle
je lis hein
(l'assistante sociale pointe l’écran)
ASS SOCIAL
ah échange de permis de conduire étranger... it’s what
you want to do... okay you want to... explain you have
your permis
c'est ce que vous voulez faire... okay vous voulez... expliquer vous avez votre permis
USAGER
yes
ASS SOCIAL
in your country and you want a- a permis in France
dans votre pays et vous voulez un permis en France
×
Analyse soignante
Analyse patient
Transcription
Analyse soignante :
Dès que l’usager commence à expliquer son problème, l’assistante sociale s’oriente vers l’ordinateur pour rechercher des informations en ligne. Même si son attention est principalement orientée vers la démarche en ligne, elle continue néanmoins d’écouter ce que lui dit l’usager et de dialoguer avec lui. Au moment où elle va lancer l’impression du document qu’elle vient de trouver, elle implique l’usager dans son activité. Elle annonce explicitement avoir repéré un document pertinent (« j’ai retrouvé un document qui dit que ») et invite l’usager à regarder l’écran avec elle. Elle fait défiler le PDF vers le bas pour retrouver l’information déterminante, puis la souligne, en utilisant un pointage vers l’écran ainsi qu’une lecture à voix haute. De cette manière, elle ne réalise pas toutes les démarches à la place de l’usager, mais elle l’inclut dans l’activité de recherche d’information, ce qui permet aussi une compréhension partagée de l’activité en cours.
Analyse patient :
Lorsque l’assistante sociale fait des recherches sur l’ordinateur, l’usager continue de lui parler et d’expliquer ses difficultés et ses incompréhensions. Il n’est à ce moment-là pas encore engagé dans l’activité de recherche avec l’assistante mais il le sera quand celle-ci aura trouvé un document intéressant répondant à ses interrogations.
Transcription :
ASS SOCIAL
normalement...normalement euh quand on est
incarcéré euh ça s’arrête l’AAH non ?
(l'assistante sociale tape à l'ordinateur dans un moteur de recherche)
USAGER
non
ASS SOCIAL
(elle lit ce qu'elle tape) versement prestation
USAGER
pourquoi...
ASS SOCIAL
(elle lit sur l'écran) incarcération... ah ! pour le RSA
ça s’arrête
USAGER
si RSA arrête ah autre pas possible
(sur une page résultats de Google, l'assistante sociale clique sur un lien PDF)
ASS SOCIAL
hm hm...
USAGER
tous les mois regarde là... si tu possible...
(l'assistante sociale fait défiler le PDF vers le bas)
explique moi quel euhm... pourquoi moi pas donné
après j'ai ce papier j’ai donné à avocat
ASS SOCIAL
hm hm
USAGER
pour ça pour ça pour ça moi pas possible pas besoin...
après moi pas paye... à la chambre appartament pour
appartament moi pas paye l'argent... euh moi pas moi
ensemble... à la CAF... hm hm comment s’appelle
ASS SOCIAL
hm hm
USAGER
hm ensemble là... avec moi pas bien pas bien
(l'assistante sociale fait défiler le document et imprime le pdf)
ASS SOCIAL
oui oui oui ben là j’ai trouvé un document qui dit
que... regardez ce que j’ai trouvé là
(elle tourne l'écran vers l'usager qui se penche et regarde l'écran)
ASS SOCIAL
j’ai trouvé que normalement (elle lit en montrant
l'écran) il n’est pas exigé que le titre de séjour soit
renouvelé si celui expire pendant la période de
détention
×
Analyse soignante
Analyse patient
Transcription
Analyse soignante :
Au début de l’extrait, l’assistante sociale propose de remplir la fiche en collaboration avec l’usager, puis elle lui annonce la prochaine activité qu’elle va effectuer (« je vais faire une fiche »). Tout en poursuivant ses échanges avec son interlocuteur, l’assistante sociale énonce qu’elle va téléphoner, puis se remet à naviguer et à écrire à l’ordinateur. Pendant toute la séquence, elle coordonne plusieurs informations contenues sur différents supports (numériques, matériels) tout en effectuant différentes actions (lecture d’un document papier et à l’écran, écriture sur des documents papiers, appel téléphonique, …). Autrement dit, ces différentes activités s’imbriquent entre elles et sont coordonnées avec l’interaction en face à face qui est maintenue active grâce aux actions verbales et corporelles de l’assistante sociale.
Analyse patient :
L'usager montre par moment son intérêt envers la démarche réalisée en ligne par l'assistante sociale, lorsqu'il regarde vers l'écran par exemple. A d'autres moments, non seulement il se désengage, mais il introduit de nouveaux sujets, par exemple en demandant à l'assistante sociale d'écrire une lettre pour lui ou de téléphoner.
Transcription :
ASS SOCIAL
(elle regarde l’écran) je vais par contre on va remplir
ça ensemble on a plusieurs choses à remplir vous avez
quelques minutes encore là
USAGER
oui oui...
ASS SOCIAL
alors on va le faire tout de suite... donc je vais faire
fiche
USAGER
une chose pour y en a pour vous dire pour j'oublie pas
ici... vous pourrez envoyer une lettre (en pointant le
papier sur le bureau) un mot parce
(l’assistante sociale tourne le papier vers elle en le regardant)
USAGER
j'ai écouté quelqu'un me dit... il prend de... de travail là
dans la serre... là
(l’assistante sociale se retourne vers l'écran et recommence à cliquer)
ASS SOCIAL
on va téléphoner là je vais téléphoner...
USAGER
malheureusement avec les personnes sont un peu
difficiles le...
(l’assistante sociale cherche toujours sur son ordinateur)
ASS SOCIAL
oui parce que ça s'appelle un chantier d'insertion
(silence)
ASS SOCIAL
en fait ce c'est les marguerites... c'est de l'insertion
c’est-à-dire c'est les gens qui ont du mal à trouver un
travail ailleurs...euh euh... c'est un travail plus facile
au départ... mais c'est pas pour des durées euh très
longues...
USAGER
non
ASS SOCIAL
hein... mais au moins ça vous met le pied à l'étrier
comme on dit chez nous... (elle lit sur l’écran)
les marguerites... à Passau...
(elle prend le combiné du téléphone pour appeler)
je veux téléphoner pour savoir comment il faut faire
Recommandations
Dans le cas de démarches en ligne, ou réalisées sur l'ordinateur pour l'usager, l’intervenant peut alterner des phases collaboratives engageant son interlocuteur et des phases individuelles où il est concentré sur l'écran. Pour cela, il peut par exemple manipuler son écran d’ordinateur. En tournant l’écran soit vers son interlocuteur, soit vers lui-même, il peut réguler l’accès à ce qui est visible et donc solliciter ou non l’implication de l’usager dans la démarche en cours. C'est une manière de ne pas accomplir la démarche à la place de l’usager, mais de l’inclure dans certaines parties de la procédure. Par ailleurs, lors d’actions faites hors interaction (écriture, recherche d’informations pertinentes sur Internet…), lorsque l’intervenant explicite à haute voix ce qu’il est en train d’effectuer, il peut maintenir l’engagement des usagers tout au long de la rencontre tout en gérant l’imbrication des ressources sollicitées (téléphone, ordinateur, document papier) pour la réalisation de la démarche administrative.
3
Pleur
Le patient n'accepte pas les suggestions qu'on lui fait
Parenthèse gauche 2 Parenthèse droite
Désalignement
Durée :
15 min
Enjeux
Au cours de consultations médicales, il peut arriver que le patient se montre réticent aux suggestions du soignant. Il peut dans ce cas être difficile pour lui de savoir quand et comment exprimer son désaccord, notamment lorsqu’il ne maitrise pas bien la langue de l’institution ou que ses propos sont traduits par un interprète. En dépit de ces difficultés, il arrive pourtant que le patient prenne des initiatives pour manifester son désalignement face aux propos du soignant grâce à différentes attitudes corporelles et verbales.
Videos
×
Analyse patient
Analyse soignant
Analyse interprète
Transcription
Analyse patient :
Avant que l’interprète ne finisse sa traduction, le patient ouvre et ferme ses mains en détournant la tête. Suite à cette première manifestation corporelle, le patient pousse un gros soupir et rejette ensuite la question du psychologue en répondant qu’il n’appartient pas à la catégorie de personnes qui passent de bonnes vacances (« les vacances ne vont pas bien quand vous ne vous sentez pas bien… les vacances sont faites pour ceux pour qui le business va bien »). Ce rejet est par ailleurs suivi par la reprise d’un sujet abordé précédemment au cours de la séance concernant la réception d’une lettre qui l’informe qu’il doit quitter son foyer et le pays. Dans cette séquence, le désalignement du patient se manifeste tant par son attitude corporelle (détourne la tête) que par le contenu de ses propos.
Analyse soignant :
Après une pause de quelques secondes qui font suite à la traduction de l’interprète, la psychologue assistante revient sur la préoccupation du patient dont ils ont préalablement parlé concernant son expulsion du foyer. De cette manière, elle manifeste d’une part son affiliation par rapport à la réponse du patient et d’autre part, sa solidarité sociale vis à vis de celui-ci.
Analyse interprète :
L'interprète rend assez précisément le désalignement du patient, en reprenant les mêmes procédés que lui (énoncé généralisant, question). Toutefois, le fait qu'elle commence sa traduction par la question “ comment on peut passer des bonnes vacances" (alors que le patient insère sa question “quelles vacances" à l'intérieur de son tour de parole, après l'énoncé généralisant “ les vacances ne vont pas bien quand vous ne vous sentez pas bien) sonne comme une opposition plus nette à la question du psychologue, mettant d'emblée en cause sa pertinence.
Transcription :
PSYCHOLOGUE
ok... comment ça s’est passé là les vacances avec les
enfants ?
INTERPRÈTE
si ja kalove thote pushimet me femijen... me femijet ?
comment se sont passées tes vacances avec ton enfant... tes enfants
PATIENT
... pushimet... nuk kalohet mire kur s’je terezi... ca
pushimi... pushimet jane per ato qe i kane punet ne
terezi
... les vacances... ne se passent pas bien quand tu ne te sens pas bien... quelles vacances... les vacances sont pour ceux dont les affaires roulent
INTERPRÈTE
comment on peut passer des bonnes vacances... les
vacances c’est pour les gens qui sont bien... pas pour
nous qu’on est dans cette situation
(silence)
PSYCHOLOGUE-A
et vous avez veçu toute cette période avec la
préoccupation de l’expulsion du foyer j’imagine aussi
INTERPRÈTE
Beson thote qe gjithe kete kohe e ke kaluar me
shqetesimin qe do te heqin nga fuajeja
il croit me dit-il que tu as passé tout ce temps avec l’inquiétude de l’expulsion du foyer
(silence)
PATIENT
M’ka ardhur dhe kjo letra tani edhe jemi...
j’ai même reçu cette lettre maintenant et là on est...
INTERPRÈTE
depuis que j’ai eu ce papier... on est dans un état
PATIENT
E pyeta edhe ate... asistenten po une kam bere nje
kerkese per... kontrate... me tha nuk ka lidhje
kontrate me kete me tha
j’ai demandée aussi à celle-là... l’assistante mais j’ai fait une demande pour... un contrat... elle m’a dit que le contrat n’avait aucun lien avec celle-ci
INTERPRÈTE
j’ai parlé avec l’assistante sociale... je lui ai dit
mais normalement j’ai fait une demande pour une
promesse d’embauche elle a dit que il n’y a rien à voir
euh une promesse d’embauche
PSYCHOLOGUE
avec la mesure d’expulsion ouais
×
Analyse patient
Analyse soignante
Analyse interprète
Transcription
Analyse patient :
Lorsque l’interprète traduit la proposition du psychologue concernant la possibilité d’effectuer un exercice de relaxation pour le calmer, le patient détourne son regard, couvre son visage avec ses mains et verbalise son désalignement en produisant tout d’abord une forte expiration puis en explicitant clairement qu’il ne veut faire aucun exercice. Son opposition s'exprime par l'utilisation du mode négatif (« je ne veux pas faire d’exercice ») pour exprimer son refus, suivi de la reprise de la même structure syntaxique (« je veux qu’on me donne une solution ») de manière positive cette fois pour exprimer ce qu’il veut. De cette manière, il construit une opposition entre un problème sérieux et concret (son problème) et une activité banale (l’exercice proposé par le psychologue). Dans le tour suivant, même s’il semble d’abord accepter d’effectuer l’exercice (« si vous voulez, nous faisons l’exercice »), il complète ensuite sa phrase par un « mais » suivi de son propre besoin (« mais mon problème c’est comment je fais pour ça ») qui laisse entendre qu’il reste concentré sur son problème.
Analyse soignante :
Le psychologue débute son tour de parole par « ok », clôturant ainsi le sujet précédent, et propose ensuite un exercice qui vise à calmer le patient. Face à sa réticence à l ‘égard de cette suggestion, le psychologue laisse un long silence comme pour indiquer l’abandon de l’activité proposée. Puis, il reprend le problème du patient en faisant valoir sa capacité à surmonter les épreuves. De cette façon, il ne se place pas dans une perspective « problème – solution » mais propose, d’une manière plus distanciée, une vue positive de la faculté du patient à s’en sortir malgré des difficultés importantes.
Analyse interprète :
Lorsqu’elle traduit les propos du patient, l’interprète rend seulement compte de la première partie de son tour (« je ne veux pas d’exercice »). Cette traduction est par ailleurs produite avec une voix très basse, chuchotée et en chevauchement avec les paroles que le patient est en train de produire. En omettant de traduire la structure contrastive (« je ne veux pas, je veux »), l’interprète semble ainsi adoucir la manifestation du désalignement du patient vis à vis du patient. Ce phénomène est également observable dans le tour suivant, lorsqu’elle ne complète pas la fin de sa traduction en référence au problème du patient. De cette manière, l’interprète semble favoriser la transition d’activité.
Transcription :
PSYCHOLOGUE
ok... est-ce que vous voulez qu’on fasse un... un
exercice comme la dernière fois... on l’avait fait pour
vous... on essaie de vous apaiser un petit peu... avant
de repartir ?
INTERPRÈTE
a don thote qe te bejme nje ushtrim sic beme heres
tjeter thote qe te kesh mundesi me u qetesu perpara se
te ikesh ?
tu veux dit-il qu’on fasse un exercice comme la dernière fois dit-il pour que tu puisses avoir la possibilité de te calmer un peu avant de partir ?
PATIENT
une nuk du ushtrim... du te me japin zgjidh par-
je ne veux pas d’exercices... je veux qu’on me donne une solution par-
INTERPRÈTE
je veux pas d’exercice
PSYCHOLOGUE
hmm
PATIENT
kam hmm... ku di une... po dush e bejme ushtrimin po
une kam hall si do ja bejme per kete... edhe s’ par-
... je veux... j’ai... je ne sais pas moi... si vous voulez nous faisons l’exercice mais mon problème à moi c’est comment faire pour ça... de plus je n’ai pas par-
INTERPRÈTE
il me dit si vous voulez on peut faire cet exercice
mais moi mon problème... c’est...
PSYCHOLOGUE
ça fait euh... ça fait maintenant un peu plus de trois
ans qu’on se voit hein
INTERPRÈTE
kemi afersisht tre vjet tre vjet thote
ça fait à peu près depuis trois trois trois ans dit-il
PSYCHOLOGUE
et en fait ça fait trois ans que vous traversez le même
problème
INTERPRÈTE
edhe tre vjet thote qe ke te njejtin problem
et depuis trois ans dit-il tu as le même problème
PSYCHOLOGUE
hein et jusqu’au là vous arrivez euh... tant bien que
mal à à le surmonter même si on sent que... ben vous
portez tout le poids sur vos épaules là hein
Recommandations
Afin de laisser la possibilité au patient de prendre des initiatives pour montrer son désaccord ou sa réticence vis-à-vis des propos du soignant, il est important d’être attentif aux différents indices verbaux et non verbaux qu’il peut manifester. Le professionnel pourra ainsi avoir accès aux ressources linguistiques utilisées par le patient, telles que les répétitions, l’utilisation de conjonctions adversatives ou de marqueurs d’opposition, ainsi qu'à l'ordre des énoncés. Il pourra également être attentif à l’activité gestuelle du patient et notamment à la direction de son regard et à sa posture qui jouent un rôle important pour l’expression du désalignement et du rejet.
Parenthèse gauche 2 Parenthèse droite
Transmission des émotions
Durée :
15 min
Pleur
J'ai eu envie de pleurer en traduisant son histoire
4
Enjeux
Au cours des suivis en santé mentale, la dimension émotionnelle est très présente. Lorsque les personnes parlent de leurs expériences, de leurs peurs ou encore de leurs difficultés, leur discours est chargé d'émotions. Quand les consultations se déroulent par l'intermédiaire d’un interprète, et que le soignant n'a pas accès à la langue étrangère, il peut percevoir certaines de ces manifestations émotionnelles (pleurs, soupirs), mais il ne peut pas faire le lien entre elles et le contenu verbal auquel elles sont liées. Cela est donc difficile pour lui d'accéder à la complexité émotionnelle. L’interprète est, quant à lui, confronté à la question de savoir que faire des manifestations affectives du patient ?
patient patient
Le patient doit s’en remettre à la traduction d’un interprète pour exprimer des émotions qu'il éprouve et qu'il a lui-même du mal à expliciter.
soignant soignant
Le soignant doit avoir accès aux émotions décrites par le patient et à celles qui se dégagent de son discours, pour parvenir à une compréhension globale de son état.
interprète interprète
L'interprète doit jongler entre deux contraintes opposées : retransmettre les émotions du patient et éviter de manifester ses propres émotions.
Videos
×
Analyse patient
Analyse soignant
Analyse interprète
Transcription
Analyse patient :
Au cours de cette séquence, le patient décrit son état émotionnel général en utilisant une comparaison (« comme si ») et une représentation figurée (« quelqu’un était en train de me prendre le souffle »), qui indique son sentiment d’impuissance contre un ennemi indéfini (ce « quelqu’un »). Son discours est accompagné par différents signaux non-verbaux : posture repliée, soupirs, longues pauses ou encore lenteur d’élocution, qui témoignent des émotions qu'il ressent à ce moment de l’interaction. Ces manifestations affectives contribuent à montrer l’état de mal-être dans lequel il se trouve au cours de cette séance.
Analyse soignant :
Le psychologue reformule la réponse du patient en utilisant un verbe physique (« se sentir étouffé »). En effectuant cette reformulation, il semble prendre de la distance par rapport à la description effectuée par le patient, permettant ainsi d’atténuer l’intensité émotionnelle mais également de proposer un changement de perspective pour le patient : au lieu de le représenter comme une victime passive face à une force extérieure, il le transforme en sujet de son propre mal-être (ce n’est pas « quelqu’un » qui l’étrangle, c’est lui qui se sent étouffé). Par ailleurs, lorsqu’il demande au patient le type de médicaments qu’il prend actuellement, il se focalise sur la solution du problème plutôt que d'opter pour une manifestation d'empathie.
Analyse interprète :
Lors de sa traduction, l’interprète garde une posture détachée (dos contre le siège, élocution calme). Elle reprend la comparaison produite par le patient (“comme si”) en remplaçant l’expression figurée albanaise (“prendre le souffle”) par le verbe “étrangler”, mais elle garde la représentation de ce “quelqu’un” évoqué par le patient. Plus tard, pour traduire la reformulation du psychologue (“vous vous sentez étouffé ?”), elle reprend cependant l’expression idiomatique albanaise (“tu te sens que tu n’arrives pas à prendre ton souffle ?”). De ce fait, l’interprète semble adapter ses choix en fonction de son destinataire. Par ailleurs, lorsqu’elle amène sa main contre sa gorge pour illustrer le lieu figuré du trouble, ou qu’elle produit une expiration audible à la fin de « petit à petit », l’interprète ajoute également de nouvelles marques affectives. Cette pratique permet de fournir au soignant une version retravaillée du discours du patient, tout en transmettant l’état émotionnel dans lequel il se trouve.
Transcription :
PSYCHOLOGUE
comment vous vous sentez là à l’intérieur ?
INTERPRÈTE
si ndjehesh brenda vetes tende ?
comment tu te sens à l’intérieur de toi ?
PATIENT
euh... sikur nje njeri po me merr frymen avash
avash ndjehem...
euh... comme si quelqu’un était en train de me prendre le souffle doucement je me sens...
INTERPRÈTE
comme si quelqu’un est en train d’essayer de
m’étrangler
PSYCHOLOGUE
vous vous sentez étouffé ?
INTERPRÈTE
ndihesh thote... qe s’merr dot fryme
tu te sens dit-il... que tu n’arrives pas à prendre ton souffle
PATIENT
(hoche la tête)
PSYCHOLOGUE
vous prenez quoi comme médicaments actuellement ?
×
Analyse patient
Analyse soignant
Analyse interprète
Transcription
Analyse patient :
Pour décrire l’état émotionnel dans lequel il se trouve, le patient utilise une répétition verbale (« troppo male troppo male ») et effectue un mouvement du bras de la droite vers la gauche, la paume vers le bas, signifiant la négation. Il propose ensuite une reformulation de sa réponse en utilisant un superlatif « malissimo ». Ces deux formulations mettent en évidence l’état extrême de mal-être du patient. Les différentes interruptions, hésitations et auto-réparations présentes dans sa parole pourraient, quant à elles, être dues aux difficultés en italien du patient, mais elles pourraient également être liées au malaise associé à la délicatesse du sujet abordé. Ce malaise est d’ailleurs visible dans son comportement non-verbal. En effet, lorsqu’il explique ses pensées suicidaires, il pointe sa tête avec ses mains pour représenter le lieu figuré de sa souffrance, bouge son corps d’avant en arrière, effectue des mouvements de mains et représente gestuellement l’action de sauter. Ces différents gestes, associés à un discours négatif, contribuent à dévoiler l’état d’agitation et de mal-être dans lequel il se trouve.
Analyse soignant :
Pour guider le patient dans l’explication de son état émotionnel, le soignant lui propose « la peur » comme étant un des facteurs à l’origine de son mal-être. Cette réponse permet au soignant de préciser le type de réponse qu’il attend de la part du patient, mais également de manifester sa connaissance du dossier du patient, et une forme d'expertise par rapport aux troubles que le patient décrit.
Analyse interprète :
Au début de la séquence, l’interprète traduit les tours de parole du patient de manière quasi littérale (« trop mal »), utilise la première personne du singulier, reproduit ses hésitations et invente un nouveau mot français « malissime » pour traduire le mot italien « malissimo ». Si cette technique permet de faire écho à la dimension émotionnelle du discours du patient et de rendre compte de sa difficulté à exprimer ses émotions, elle peut également rendre difficile pour le soignant d'identifier la frontière entre le malaise exprimé par le patient et celui exprimé par l’interprète. Par ailleurs, il est intéressant de noter que lorsque le sujet du suicide est introduit, l’interprète passe de la 1ère personne du singulier à la 3ème personne, et omet de traduire le terme « ammazzarti » (« te buter ») au profit d’une expression imagée. Ces pratiques pourraient témoigner de sa propre difficulté à parler du thème abordé. Le passage à la traduction à la 3ème personne du singulier est un des procédés que les interprètes peuvent utiliser pour prendre une distance par rapport à l’intensité émotionnelle de la séquence.
Transcription :
DOCTEUR
donc alors point de vue psychologique comment ça va
du point de vue psychologique
INTERPRÈTE
dal punto di vista psicologico
du point de vue psychologique
DOCTEUR
vous êtes tranquille ?
PATIENT
troppo male troppo male
trop mal trop mal
INTERPRÈTE
trop mal
PATIENT
malissimo
très mal
DOCTEUR
hein ?
INTERPRÈTE
trop mal
DOCTEUR
trop mal ? pourquoi ?
INTERPRÈTE
malissime ?
DOCTEUR
vous avez peur ? tout le temps ?
INTERPRÈTE
perché ha paura ? hai paura ?
parce que vous avez peur ? tu as peur ?
PATIENT
stress... paura... tante cose
stress... peur... beaucoup de choses
INTERPRÈTE
stress peur
DOCTEUR
peur tout le temps peur ?
INTERPRÈTE
plusieurs choses
PATIENT
ogni tanto...
parfois...
INTERPRÈTE
de temps en temps
PATIENT
mi... viene... (les deux mains sur la tête)
ça me vient...
INTERPRÈTE
j'ai...
PATIENT
per ammazzarti... no genti per buttare da... qualche...
pour te tuer... pas les gens pour jeter de... quelque...
INTERPRÈTE
il dit que de temps en temps il pense à se jeter par...
par...
PATIENT
qualche balcone così come si chiama
quelque balcon comme ça comment ça s'appelle
INTERPRÈTE
de quelque terrasse
DOCTEUR
hein ?
PATIENT
terrasse
INTERPRÈTE
que certaines fois il pense à se jeter... d'un balcon
DOCTEUR
par la fenêtre ?
INTERPRÈTE
ouais
DOCTEUR
ah oui
Recommandations

L'interprète :

Dans une consultation thérapeutique au cours de laquelle le patient cherche à décrire son état affectif, l’interprète joue un rôle de passeur émotionnel, mais il doit éviter de laisser s'exprimer ses propres émotions et rester professionnel. Un des moyens de le faire est de reproduire, quand cela est possible, les marques d’affectivité exprimées par le patient (ex. des comparaisons, des expressions figurées) en ajoutant éventuellement des commentaires méta-discursifs pour expliquer certains aspects difficilement traduisibles (ex. « ici il a utilisé une expression idiomatique en albanais qui signifie… ») ou pour préciser le lien entre le discours du patient et ses manifestations non-verbales (ex. « c’est en disant ce mot qu’il a commencé à pleurer »). Il est également envisageable de réélaborer de manière personnelle les émotions du patient, en produisant des gestes ou en adaptant sa mimique et son élocution, sans cependant se laisser emporter par ces émotions.

Soignant :

Pour avoir accès à l’état émotionnel du patient, il est important d'observer dans son discours son comportement non-verbal (posture, mimique, etc.). Pour cela, il est nécessaire de réfléchir à l’emplacement des participants (ex. est-ce que le soignant arrive à regarder à la fois l’interprète et le patient ?). De plus, il ne faut pas hésiter à demander à l’interprète des précisions sur des mots-clés (ex. « est-ce que ce mot à la même connotation en albanais qu’en français ? ») ou sur le lien entre le discours du patient et ses manifestations non-verbales (ex. « est-ce que c’est en parlant de cela qu’il a commencé à pleurer ? »). Plus largement, il est important de négocier de manière explicite avec l’interprète les modalités de traduction souhaitée, en lui disant par exemple si l’on préfère une traduction plus littérale pour avoir accès par exemple aux lapsus du patient, à ses incohérences, etc.

5
Pleur
Quand j’interprète par téléphone, je ne les vois pas
Parenthèse gauche 2 Parenthèse droite
Interprétariat par téléphone
Durée :
15 min
Enjeux
Depuis 2016, la loi de modernisation du système de santé promeut l’interprétariat linguistique dans le but d’améliorer l’accès aux soins des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins. Cependant, en raison de contraintes financières, organisationnelles, temporelles ou encore humaines, il n'est pas toujours possible d’avoir à disposition des interprètes en présentiel et interviennent alors des interprètes par téléphone. Si ce type d’interprétariat présente certains avantages (disponibilité des interprètes, choix plus large de langues proposées, coût moindre), celui-ci entraine des conséquences sur le déroulement de l’interaction. En effet, n'étant pas présent, l’interprète n'a pas accès aux informations visuelles dont disposent les interlocuteurs (expressions faciales, gestes, regards) et il doit travailler dans un cadre de participation complexe.
Videos
×
Analyse soignante
Analyse interprète
Analyse patiente
Transcription
Analyse soignante :
Lorsqu’elle débute son tour, la psychologue commence par remercier l’interprète. Après une courte pause, elle initie ensuite une nouvelle question qui se décompose en deux temps. Pendant la première partie de la question, elle effectue une série de gestes (mouvements de la tête de gauche à droite) de manière simultanée à la production de l’énoncé « on vous a pas expliqué » comme pour produire une sorte de version gestuelle de la négation. Après une courte pause, elle termine ensuite sa question avec une intonation basse et décroissante. Elle fournit ainsi des indices clairement identifiables pour structurer son tour de parole gestuellement et prosodiquement. On remarque aussi que par l'emploi de « vous », et par ses gestes (regard en direction de la patiente, mouvement des bras, expressions du visage), elle fait de la patiente son interlocuteur direct.
Analyse interprète :
Lorsqu’elle prend la parole, l’interprète débute son tour avec le marqueur « bien ». Ce marqueur de structuration, qui n'est pas une traduction des propos de l’interprète, permet de marquer le début du tour de traduction. De la même manière que la psychologue, l'interprète marque la fin de son tour de parole par une diminution de l’intensité de sa voix et par une intonation descendante.
Analyse patiente :
Pendant le tour de parole de la psychologue, la patiente la fixe de manière attentive sans mouvements apparents. Une fois le tour terminé, elle tourne la tête en direction du téléphone et maintient cette position pendant la totalité du tour de l’interprète. Après le rendu de l’interprète, la patiente répond à la question en restant orientée vers le téléphone.
Transcription :
PSYCHOLOGUE
d'accord... donc euh... il vous a pas expliqué euh...
hm le résultat de la radio ? quand vous êtes allé le
voir ?
INTERPRÈTE
tamām izan huwa mā fassarlik natāʔeʒ SSūra ? Sūret
elʔaʃeʔa laman ʔenti reħti ʃefti la TTabīb ?
super donc il ne t’a pas montré les résultats del’image ? l’image de la radio quand toi tu es allée voir le médecin ?
PATIENT
ah laʔ mā fassar ʃē bas... katablī fawran katab l...
wasfije yaʕnī mā qalli ʔenno nafs ħālet l... rekbet l
jasār walla γer ħāle euh bas katabli wasfe miʃān
l-l... euh... ldawā ʒeb-ʒībo... men ʕend l... w ʔaʕTī
la waSfet l Tabīb
ah non il n’a rien expliqué il a juste... écrit pour moi tout de suite la... prescription c'est-à-dire il ne m’a pas dit que c’est le même cas que... le pied gauche ou bien un autre cas euh il a juste écrit une prescription pour le le... euh... le médicament que je dois prendre de chez le ... et je lui donne la prescription du médecin
INTERPRÈTE
euh... non il m’a pas expliqué... il m’a pas dit si... c’était
le même cas que... le pied gauche... il m’a juste donné
une prescription... euh... donc pour un médicament
que je dois prendre et... l'emmener avec moi chez le
médecin
PSYCHOLOGUE
d’accord...
×
Analyse soignant
Analyse patiente
Analyse interprète
Transcription
Analyse soignant :
Pendant le rendu du récit de la patiente par l’interprète, la psychologue continue à regarder la patiente et produit plusieurs gestes et expressions (grimaces, hochement de tête, haussement des sourcils) qui montrent qu’elle est attentive aux propos qu’elle écoute. Lorsque la patiente détourne la tête du téléphone et la regarde, elle établit gestuellement une communication directe avec la patiente, lui apportant ou demandant des informations, de façon synchronisée avec la parole de l’interprète.
Analyse patiente :
Lorsque l’interprète parle, la patiente confirme les propos qu’elle est en train d’entendre en produisant des petites bribes de paroles ou des gestes (« 3e étage », geste 3 avec sa main gauche, mime de « jeter un objet », imitation du bruit d’un objet volant), en les synchronisant avec les propos rapportés par l’interprète. Ces différentes informations additionnelles qui sont séquentiellement coordonnées avec le tour de parole de l’interprète montrent que la patiente participe avec ses propres ressources (petite connaissance du français, gestes, mimiques) à la construction de l'interaction.
Analyse interprète :
L'interprète à distance ne participe pas directement à ces moments de communication directe entre la patiente et la psychologue. Elle ne le perçoit sans doute pas, puisque les échanges se font gestuellement ou à voix très basse. Mais elle en est pourtant en quelque sorte la chef d'orchestre, puisqu'ils sont synchronisés à sa parole.
Transcription :
INTERPRÈTE
euh... donc par exemple euh... avec mes enfants moi je
leur apprends qu’il faut discuter des choses
PSYCHOLOGUE
hm hm c'est vrai
INTERPRÈTE
et ne pas frapper les autres euh... mais ici euh...
les gens euh... donc euh parfois fonctionnent
autrement
PSYCHOLOGUE
hm hm
INTERPRÈTE
et euh... pas comme j’ai appris à mes enfants de... ne
pas... frapper les uns les autres mais... de se parler...
parce que le foyer donc y a des gens de partout qui
sont là... par exemple ma fille aînée Abrish euh... elle
était venue y a quelques jours et... elle avait euh...
donc elle était euh... blessée sous son œil c’était
une amie à elle... euh donc euh... qui l’a blessée...
(la psychologue fait un geste en pointant successivement son oeil gauche puis son oeil droit et la patiente lui répond en pointant vers son oeil droit)
INTERPRÈTE
euh... après y a d’autres aussi qui sont dans le
bâtiment... donc A mais pas B qui euh... euh... qui
qui font aussi euh... des choses de ce genre ils jettent
du... verre...
PSYCHOLOGUE
ah bon ? (en s'adressant tout bas à la patiente)
PATIENT
(acquiesce de la tête) troisième étage (en réponse à la
psychologue)
INTERPRÈTE
ils boivent dans des euh... verres euh... du... euh...
donc en verre
PSYCHOLOGUE
hm hm
INTERPRÈTE
et vers onze heures vers vingt-trois heures minuit ils
euh jettent depuis tout en haut... pour euh casser les
verres en bas... et... euh y avait aussi un enfant qui a
été blessé...
PSYCHOLOGUE
ah bon
PATIENT
(acquiesce de la tête) oui (et mime une bouteille
lancée) puft... tombé
INTERPRÈTE
euh... donc euh par euh... une bouteille
PSYCHOLOGUE
hm hm
INTERPRÈTE
concernant son amie donc euh à à Abrish j’ai réglé le
problème...
PSYCHOLOGUE
c'est bien (en s'adressant à la patiente)
INTERPRÈTE
mais... euh... ces gens donc euh du troisième étage...
PSYCHOLOGUE
hm
INTERPRÈTE
dans le bâtiment A qui jettent euh... ces verres à
minuit... et aussi des couteaux
PSYCHOLOGUE
ah bon ? (dit tout bas à la patiente)
PATIENT
(acquiesce de la tête)
Recommandations
Lorsque l’interprète n’est pas physiquement présent, il est important d'indiquer clairement la construction des tours de parole de manière à faciliter l’organisation de l’interaction. Les intervenants pourront par exemple utiliser des marqueurs pour structurer le début de leur tour (« donc »…) et moduler leur voix (intonation, hauteur) pour indiquer la fin de celui-ci. Par ailleurs, même dans cette situation triangulaire particulière, l'interaction directe entre l'intervenant en santé et le patient n'est pas exclue, et peut être maintenue de manière directe par des échanges sans parole. Enfin, si le patient possède quelques connaissances en français, ces échanges directs peuvent venir enrichir les propos produits par l’interprète, en restant séquentiellement coordonnés pour ne pas perturber le déroulement fluide de la communication à trois interlocuteurs.
Parenthèse gauche 3 Parenthèse droite
Reformulation
Durée :
20 min
Pleur
Je reformule pour être plus clair
6
Enjeux
Dans tout entretien médical, le fait que le soignant et le patient se comprennent ou non peut avoir un impact important sur la façon dont le patient sera pris en charge, soigné ou encore orienté vers un service adapté à sa situation. Cette compréhension mutuelle présente un enjeu d’autant plus grand lorsque les interlocuteurs ne parlent pas la même langue. Ceux-ci peuvent mettre en place une variété de stratégies pour aboutir à une intercompréhension suffisante pour faire avancer la conversation. La reformulation est un des procédés fréquemment utilisé pour assurer l’intelligibilité et la progression des échanges.
Videos
×
Analyse patient
Analyse soignante
Transcription
Analyse patient :
En réponse à la réorientation de la question du médecin vers le domaine de la santé, le patient répond en reprenant la construction de la question utilisée par la médecin avec la préposition « for » au début de son tour de parole qu’il accompagne par l’initiation d’un geste vers la tête. Il suspend ensuite la production de sa phrase, monte sa main jusqu’à la tête, la tapote puis il poursuit sa phrase avec le mot « this » en la désignant. Dans cette situation, les activités linguistique et gestuelle s’imbriquent ce qui conduit à la construction d’une reformulation multimodale qui permet au patient d’expliciter la localisation de sa douleur. Par ailleurs, le tour suivant est marqué par une reformulation plurilingue. En effet, le patient commence sa phrase en français (« beaucoup ») puis il la continue avec deux mots « nervosi depresi » (qui ressemble au bosniaque « nervoza depresja », nervosité, dépression).
Analyse soignante :
Lorsqu’il répond au patient, la médecin reproduit sur son propre corps le même geste que celui réalisé préalablement par le patient (main en direction de la tête), puis elle reformule verbalement ce geste en proposant une dénomination « headache ». De cette manière, d’une part, elle vérifie sa compréhension, d’autre part elle opère une catégorisation du problème du patient.
Transcription :
DOCTEUR
but my question is no about... physical and
psychological... if you had problem before... for
example did you go to hospital ? before ? for
problem ?
mais ma question ne porte pas sur... le physique et le psychologique... si vous aviez auparavant des problèmes... par exemple est-ce que vous êtes allé à l'hôpital ? avant ? pour des problèmes ?
PATIENT
yes
oui
DOCTEUR
you ?
vous ?
PATIENT
no here I go
non ici je vais
DOCTEUR
in in Bosnie ?
en en Bosnie ?
PATIENT
in Bosnie yes
en Bosnie oui
DOCTEUR
for what ?
pour quoi ?
PATIENT
(tapote sa tête) for this
pour ça
DOCTEUR
headache
maux de tête
PATIENT
yes is... I sleep is... euh...
oui est... je dors... euh...
DOCTEUR
you wake up ?
vous vous réveillez ?
PATIENT
yes
oui
DOCTEUR
okay
PATIENT
beaucoup nervosi depressives I don't know
beaucoup nervosi depressives je ne sais pas
DOCTEUR
dépression
PATIENT
yes
oui
DOCTEUR
d'accord
(silence)
DOCTEUR
stress ?
stress ?
PATIENT
yes
oui
DOCTEUR
okay
×
Analyse patient
Analyse soignante
Transcription
Analyse patient :
Face à l’incompréhension du soignant, le patient recommence une explication du problème de santé de son fils. Il éprouve cependant rapidement des difficultés dans la formulation de ce problème, qu'il manifeste par la suspension de son tour de parole (et son regard au loin), ainsi que par son activité corporelle avec la reprise des mêmes gestes que ceux effectués précédemment pour expliquer la maladie de son enfant.
Analyse soignante :
Constatant la difficulté du patient à formuler de manière verbale et gestuelle le problème de santé, la médecin lui demande s’il connaît google translate. Suite à sa confirmation, elle ouvre l’application et met le clavier à disposition du patient. Pendant que celui-ci écrit sur l’ordinateur, la médecin reste orientée vers l’écran, accuse réception de ce qu’elle lit, puis pose une question qui reste verbalement inachevée (« was it too ») qu’elle complète ensuite par un geste des mains. Devant l’incompréhension du patient, elle se tourne vers l’écran et tape l’expression « problème de coagulation » qu’elle verbalise en même temps. Dans cette séquence, la professionnelle effectue plusieurs reformulations successives en exploitant différentes modalités (verbales, gestuelles, objet technologique, écrit) pour permettre l’avancement de l’interaction.
Transcription :
DOCTEUR
euhm... but I don't understand... with the syrup
euhm... mais je ne comprends pas... avec le sirop
PATIENT
you no understand
vous pas comprendre
DOCTEUR
no I don't
non
PATIENT
I mean his problem in Luxembourg is uh... (regarde au
loin) hm... this
ce problème au Luxembourg est euh... hm... ça
DOCTEUR
ah oui... (se tourne vers l'écran) you know google
translate ?
ah oui... vous connaissez google traduction ?
PATIENT
yes
oui
(le docteur ouvre l'application, choisit la langue, puis oriente l'écran vers le patient. Celui-ci se lève, tape sur le clavier puis regarde le docteur)
DOCTEUR
okay euhm... was it too (mime quelque chose qui
s'étire entre ses deux mains)...
ok euhm... est-ce que c'était trop...
(silence)
DOCTEUR
alors attendez... problème... on dit coagulation en
français (elle commence à taper sur le clavier)
problème de co- a- gulation
PATIENT
(regarde l'écran) ne
non
DOCTEUR
non
PATIENT
non
×
Analyse soignant
Analyse patient
Analyse interprète
Transcription
Analyse soignant :
Lorsqu’il demande au patient la localisation des coups reçus, le médecin accompagne sa question (« il faut me dire où c’est ») d'un geste de toucher de son propre bras à deux endroits successifs. Cette formulation multimodale permet au patient d’accéder à une compréhension – au moins partielle - de la question posée par le médecin.
Analyse patient :
Alors que le médecin est en train d’inscrire l’emplacement du coup précédemment décrit, le patient répond à la question (deux coups sur le bras), puis en regardant l’interprète, anticipe l’emplacement suivant sur son corps en plaçant sa main sur l’arrière de son épaule et en effectuant le signe trois avec ses doigts. Ceci provoque un malentendu avec le médecin à propos du nombre de coups reçus dans les différents emplacements. Ceci amène alors le patient à produire, malgré sa maitrise limitée de la langue, des tours directs en français, sans attendre la traduction de l’interprète.
Analyse interprète :
Suite à l’apparition du malentendu entre le patient et le médecin, l’interprète réalise un tour multilingue « une fois, una volta qua, un, uno, un ici, oui » et reprend également le geste 3. Par cette action, elle s’adresse directement aux deux interlocuteurs en rectifiant d’une part la proposition du médecin et en demandant d’autre part une confirmation au patient permettant ainsi une clarification du malentendu. Notons par ailleurs qu’en dépit du fait que le patient réponde directement en français (« trois »), l’interprète effectue tout de même un rendu de ses propos dans la langue cible.
Transcription :
DOCTEUR
faut me dire... vous me dites où c'est
INTERPRÈTE
vuole sapere solo adesso dove
il veut savoir seulement maintenant où
PATIENT
si (en montrant un emplacement sur son bras)
DOCTEUR
sur le bras ?
PATIENT
uno due qua (en pointant deux emplacements sur
son bras)
un deux ici
INTERPRÈTE
due sul braccio
deux sur le bras
(le médecin écrit)
DOCTEUR
(relève la tête) ouais
PATIENT
uno ancora qua... a sinistra
un encore ici... à gauche
INTERPRÈTE
un ici à gauche
(le médecin écrit)
DOCTEUR
une fois ?
PATIENT
trois... qua
trois... là
INTERPRÈTE
une fois... una volta qua... un uno un ici... oui
une fois là... un
PATIENT

oui
DOCTEUR
et une fois en arrière
PATIENT
trois... qua (désigne l'arrière de son épaule)
ici
DOCTEUR
une ? (fait le geste 1 avec le pouce levé)
PATIENT
trois (fait le geste trois)
DOCTEUR
trois fois
PATIENT
oui
INTERPRÈTE
trois
DOCTEUR
derrière l'épaule
Recommandations
Dans le cas de consultations plurilingues, il est conseillé de prendre en compte l’ensemble des ressources utilisées par les participants pour se faire comprendre. Les interlocuteurs peuvent ainsi avoir recours à des procédés de reformulations multimodales (verbales, gestuelles, mimes, écrites, logiciels de traduction) et/ou plurilingues ; soit dans une langue clairement identifiable, soit dans une langue mixte. Un jeu sur les différents procédés de reformulations pourra par exemple être utile lorsque l’intercompréhension est bloquée sur une modalité tandis qu’elle peut avancer sur une autre.
7
Pleur
Ils se sont mis à parler tous les deux
Parenthèse gauche 2 Parenthèse droite
Séquences dyadiques
Durée :
15 min
Enjeux
Dans les consultations en santé et santé mentale, la manière dont le patient fait part de son ressenti ou de son histoire peut être décisive pour le travail interprétatif ou d’évaluation clinique par l’intervenant (psychologue, psychiatre, infirmier…). Lorsque le patient et l’intervenant ne parlent pas de langue commune, l’interprète permet la construction d’une compréhension mutuelle entre ces deux interlocuteurs. Cependant, son activité de traduction entraine inévitablement un travail d'élaboration de l’énoncé original qui peut avoir des conséquences sur l'interprétation de l’intervenant. Ce travail peut passer par des échanges avec le patient, qui ne sont pas systématiquement traduits à destination de l'intervenant.
Videos
×
Analyse soignant
Analyse interprète
Analyse patient
Transcription
Analyse soignant :
Le médecin demande au début de l'extrait si le patient est marié (sous une forme verbale et gestuelle). Après une réponse négative, il poursuit avec une autre question sur la date de naissance, cependant le patient ajoute des commentaires sur le fait de n'être pas marié. Après la question de l'interprète qui échange avec le patient, nous pouvons remarquer que le médecin cesse d'écrire et regarde ses interlocuteurs pour comprendre ce qui se passe.
Analyse interprète :
L'interprète traduit la question du médecin au début de l'extrait. Puis, la réponse du patient étant gestuelle, elle n'intervient pas. Mais elle s'engage ensuite dans un échange dyadique avec le patient, qui développe des explications sur la raison pour laquelle il n'est pas marié. Puis, suite au regard du médecin qui semble l'interroger, elle lui traduit la teneur des échanges.
Analyse patient :
Le patient ne se contente pas de répondre par oui ou non à la question initiale du médecin, il développe sa réponse, ce qui entraîne l'interprète dans un échange dyadique.
Transcription :
MEDECIN
xxx célibataire... vous êtes pas marié ?
(montre son annulaire) hein
INTERPRÈTE
ʔanta miʃ mzawwaƷ
tu n'es pas marié
PATIENT
(geste non de la tête) (rires)
MEDECIN
célibataire... euh... non... alors quelle date de naissance ?
PATIENT
xxx law kont ʔāʕed min elsūdān xxxx
si j'habitais au Soudan
INTERPRÈTE
ʕafwan ?
pardon ?
MEDECIN
zéro un zéro un
PATIENT
kont aqūl law kont ʔāʕed felsūdān kān
tʒawazt lāken ʔana xxx
je disais que si j'habitais au Soudan j'aurais dû me marier mais moi xxx sûrement
INTERPRÈTE
ʔenta tarakt lsūdān ?
toi tu as quitté le Soudan ?
PATIENT
mn elmaʃākel ʔana tarakt elsūdan...
à cause des problèmes moi j'ai quitté le Soudan
INTERPRÈTE
ah
PATIENT
min elfejn u tlataʃ
depuis deux mille treize
INTERPRÈTE
s'il était resté au Soudan... il serait- c'est sûr
PATIENT
mā fī tarīg xxx
il n'y pas moyen
INTERPRÈTE
c'est sûr qu'ils auraient été mariés mais là il est
parti depuis deux mille treize apparemment
MEDECIN
non non mais d'accord
×
Analyse soignante
Analyse interprète
Analyse patient
Transcription
Analyse soignante :
Pour expliquer les raisons possibles de l’état du patient, la psychologue réalise une double proposition au cours de laquelle elle lui demande s’il pense faire l’objet d’une malédiction ou s’il pense qu’il s’agit plutôt « du sort qui pourrait s’acharner ». Ce tour de parole comporte des marques d’hésitations (« euh »), des pauses, des minimisateurs (« quelque chose d’un petit peu ») et des marqueurs d’incertitude (« parfois », « peut-être »). Ces procédés manifestent la prudence et la délicatesse avec laquelle la psychologue traite le problème.
Analyse interprète :
Lors de son rendu, l’interprète traduit uniquement la proposition de la psychologue concernant la présence possible d’une malédiction, qu’elle reproduit avec les mêmes procédés que dans le tour original (hésitation, pause). Elle propose ensuite une explication du mot « malédiction », pour lequel elle semble avoir des difficultés à trouver un équivalent en portugais. En effet, elle utilise un mot, « sorteio », qui n’existe pas dans cette langue. C’est probablement pour ça qu’elle sollicite directement la participation du patient (ajuda-me [00:41]). Puis, après son expression d'incompréhension [00:45], l'interprète reprend la question.
Analyse patient :
Après la traduction de la question, le patient, dit n'avoir pas compris [00:45]. Ceci conduit l'interprète à reprendre la question, tout d'abord en explicitant des arrière-plans, puis en la reformulant. Le patient manifeste sa compréhension de ces nouvelles explications culturelles [00:56], puis, il les rejette [00:12]. S'est ainsi développé un court échange dyadique entre l'interprète et le patient, avant l'obtention de la réponse qui est ensuite traduite à la psychologue.
Transcription :
PSYCHOLOGUE
est-ce que... est-ce que parfois peut-être c’est comme
une une pensée de de malédiction... de quelque chose
d’un petit peu de... du sort qui pourrait s’acharner
INTERPRÈTE
sera que tu pensas que o que estas a pensar que não
podes enfim que é impossível actualmente tu ser feliz é
efeito duma maldição sabe o que é uma um sorteio como é
que a gente diz ajuda-me um
est-ce que tu penses que ce que tu es en train de penser que tu ne peux enfin que c’est impossible actuellement que tu sois heureux c’est l’effet d’une malédiction tu sais ce que c’est c’est une un sort comment est-ce qu’on dit aide-moi un...
PATIENT
não não percebi
je n’ai pas pas compris
INTERPRÈTE
hm como é que a gente diz uhm sabe nas nossas
credencias a gente as vezes uhm... a gente pensa que
tem um mal olhar das outras pessoas
hm comment est-ce qu’on dit tu sais dans nos croyances ... parfois on hm... on pense qu’on a un mauvais œil des autres personnes
PATIENT
sim
oui
INTERPRÈTE
entende nesse sentido aí... será que a tua situação pra
é como se fosse de estar nesse sentido aí... de estar
numas... pessoas que te querem mal ?
tu comprends dans ce sens-là... est-ce que la situation pour toi c'est comme si tu étais dans ce sens-là... d’être dans... des personnes qui te veulent du mal ?
PATIENT
bom... isso não sei não sei
bon... ça je ne sais pas je ne sais pas
INTERPRÈTE
je sais pas
Recommandations
Lors d’interactions plurilingues, l’interprète joue un rôle clé pour la coordination de l’interaction et permet notamment la réalisation cohérente des séquences de questions-réponses. Ce rôle peut passer par le développement d'échanges dyadiques (échanges à deux permettant de clarifier la question du professionnel ou la réponse du patient) avant de la traduire. Ces échanges, qui excluent par moments le professionnel, sont nécessaires pour le bon déroulement de la traduction. On peut suggérer que l'interprète doit restituer aux autres participants les contenus de ces échanges dyadiques.